Hélène se réveille en sursaut, alertée par des cris provenant de l'extérieur. Consciente de la menace imminente qui pèse sur eux, elle rejoint précipitamment son fils. La situation est critique, il est urgent de fuir car les soldats sont à proximité.
Depuis le départ de toute sa famille la jeune femme est continuellement sur ses gardes.
Préparé depuis des semaines, leur sac est équipé du strict minimum nécessaire pour pouvoir fuir discrètement.
Avec délicatesse, Hélène réveille son fils en douceur. Ce dernier encore endormi n’arrive pas à s’éveiller.
- David réveille-toi, dépêche-toi murmure-t-elle
Le petit garçon encore somnolant interroge sa mère.
- Que se passe-t-il maman ? marmonne-t-il
- Chut ne fait pas de bruit mon chéri. Je t’ai dit hier que nous risquions de partir, tu te souviens ?
C’est maintenant.
- Mais il fait nuit, maman !
- Je sais, mon cœur, mais tu vas devoir être courageux et prendre tes affaires. Nous devons partir.
Il acquiesce, légèrement inquiet. D’un geste rapide, la jeune femme essuie les larmes qui commencent à perler et lui adresse un sourire.
- Tout se passera bien, mon chéri.
- Je ne veux pas partir, maman
Elle le prend dans ses bras pour le réconforter.
- Je sais mon cœur mais nous avons déjà eu cette conversation. Nous devons nous rendre dans ce magnifique pays où nous aurons tout ce que nous désirons. Maman a finalement obtenu l’autorisation, les documents sont arrivés, nous pourrons les récupérer et partir. Tu verras, là-bas il n’y a pas de guerre, ce sera mieux pour nous. Prends ton doudou et mets tes chaussures. Surtout tiens-moi bien la main.
Le petit garçon acquiesce sagement.
Son père n’est pas là pour les accompagner. David ressent profondément son absence.
A l’aube de sa vie le jeune père n’a pas supporté d’avoir été contraint, refusant catégoriquement cette union. Peu après la naissance de David il a demandé le divorce.
Désormais seule dans ce pays, Hélène, belle mais vulnérable sait que leur situation est critique étant une femme avec un enfant, dont la famille soutien le camp ennemi. Ils ne sont pas en sécurité dans un pays en guerre. L’ensemble de sa famille est déjà parti, et Hélène ne peut compter que sur elle.
David se lève, enfile ses chaussures et serre son doudou contre lui.
Hélène se hâte vers le bureau, récupère l’ensemble de ses économies soigneusement dissimulées dans un coin secret. Elle ajoute dans son sac des provisions, puis saisit la petite main de David, ce dernier tenant fermement son doudou contre lui.
- Surtout serre le bien fort, ne le laisse pas tomber.
David étreint sa peluche encore plus fort.
Ils doivent se dépêcher. Hélène s’efforce de faire le moins de bruit possible, les cris venant de l’extérieur résonnent déjà. Elle ouvre la porte de l’appartement, tentant de dissimuler sa peur et de se rassurer autant que possible. Son regard se pose sur son fils, son cœur se remplit d’amour, déterminée à le protéger et le mettre à l’abri. Elle récite une prière, implorant de l’aide. Leurs vies sont en danger, elle puise le courage nécessaire pour fuir dans ce regard si confiant. Elle n’est pas toute seule, son enfant compte sur elle ; elle ne doit pas flancher.
Se retournant vers son garçon, elle pose un doigt sur ses lèvres et lui sourit tendrement. Elle donnerait sa vie pour lui.
- Chut ne fait surtout pas de bruit
- Oui maman chuchote-t-il
En sortant de l’appartement la jeune femme aperçoit, du haut des escaliers, les soldats se précipiter dans l’immeuble. Son sourire se fige, elle se reprend, retrouve son courage et son calme, se tourne vers David pour le rassurer d’un sourire et lui indique devoir emprunter la sortie de secours sans perdre de temps.
Elle le rassure, lui caresse la joue, tout va bien se passer. Elle prend le petit garçon dans ses bras et se précipite, priant pour ne pas être découverte.
Au même moment, elle entend les soldats ouvrir les portes bruyamment et trainer violemment les habitants hors de leurs logements. La jeune mère accélère le pas, pleinement consciente du danger qui les menace. David retient son souffle, la peur rythmant chacun de leurs pas.
Et là, David l’aperçoit. Son « petit fantôme » est à ses côtés. Elle lui tend la main et prend la sienne avec douceur, un sourire tendre sur les lèvres, rassurant. Il la regarde inquiet et rencontre son regard malicieux. Elle lui signe de se taire et de rester discret. Il acquiesce et l’écoute attentivement, sentant son cœur se calmer. Il est rassuré, tout va bien se passer, son « petit fantôme » les protège. Après une descente interminable, tous trois atteignent enfin la sortie.
Hélène emprunte l’issue dérobée, priant de nouveau pour ne pas être repérée. La chance leur sourit. Aucun soldat ne les attendait, personne n’a remarqué leur fuite.
Des explosions retentissent autour d’eux. David malgré sa frayeur reste courageux. Ils ne sont pas seuls, l’univers veille sur eux, et avec sa mère près de lui rien ne peut leur arriver.
Une fois à l’extérieur, Hélène et David longent les murs, dans l’obscurité. La lune est noire ce soir-là, la chance semble de leur côté. Ils veillent à passer inaperçus évitant de capter l’attention des soldats. David comprend instinctivement que s’ils étaient repérés, tout serait perdu. La peur continue de le tenailler.
Il observe la rue, la veille encore tout était paisible. Ils jouaient entre amis sans se douter que tout pouvait s’arrêter du jour au lendemain. Désormais c’est le chaos, tout est en feu.
De l’autre côté de la rue, des hommes armés sèment la violence, détruisant tout sur leur passage, brutalisant ceux croisant leur chemin.
Après une longue et angoissante traversée dans l’obscurité, ils parviennent à quitter la ville pour rejoindre un groupe de réfugiés, tous se précipitant vers le point de ralliement prévu.
Hélène et David peuvent enfin ralentir, se sentant hors de danger mais ils ont encore du chemin avant d’être réellement en sécurité ; ils doivent économiser leurs forces. Le plus difficile est passé, les soldats sont désormais loin derrière eux. Malgré tout, il est crucial de rester vigilants.
Son ange reste près de lui, tout au long de la traversée. Elle lui sourit
- Tu ne risques plus rien lui assure-t-elle
- T’es sûr ? chuchote David
- Oui, les soldats sont restés en ville.
Rassuré, David se détend.
D’autres fugitifs rejoignent le groupe. Tous se rassemblent afin de se protéger mutuellement et se soutenir. Hommes, femmes et enfants se retrouvent sur le même chemin, tous pris par surprise au cours de l’invasion des soldats. Contraints d’abandonner tout et de n’emporter que le strict minimum afin de rester discrets.
Au loin, les explosions persistent, la ville est dévastée. Personne ne se retourne, leur vie dans ces lieux est désormais close. L’avenir reste incertain quant à la possibilité d’y revenir un jour.
Hélène se retrouve dans une situation difficile, disposant de peu de ressources et manquant de solutions claires afin de quitter ce pays ravagé par la guerre. Son sac sur le dos, elle n’a pu emporter que l’essentiel : quelques vêtements de rechange, de l’eau, un peu d’argent et quelques vivres. Malheureusement, ses maigres provisions sont déjà en voie d’épuisement. Heureusement entre réfugiés ils s’entraident mais ils sont tous dans la même situation précaire.
Dès son arrivée, au point de rassemblement, sa priorité sera de récupérer les passeports, pour assurer leur sécurité, puis elle devra chercher de la nourriture.
Cependant il lui faut encore économiser afin de financer leur traversée, peut-être les autorités les prendront en charge. Elle s’inquiète de la durée de leur séjour dans ce pays, ils sont tellement nombreux à vouloir le quitter.
Malgré sa peur, et des pensées incessantes, elle s’efforce de ne pas laisser ses préoccupations la submerger. Elle reste confiante et courageuse, pour le bien de son fils.
La vieille âme perçoit le désespoir de la jeune femme et ressent l’urgence de lui apporter un soutien et lui offrir l’opportunité de se battre. Le destin doit se mettre en marche. Celle-ci cherche et finit par trouver l’homme lié au destin de son hôte. Il est bien au rendez-vous parmi cette foule. Ce rapprochement est essentiel.
Cet homme va aider l’enfant et cette mère seule. Ils ont besoin d’un peu d’espoir. Un obstacle par ci, une poussée du destin par là. Quelques minutes plus tard…
David trébuche, une main se précipite pour l’aider à se relever. Le petit garçon lève les yeux, la main est ferme, et l’attrape en douceur, évitant ainsi à David de tomber de nouveau. L'homme récupère le doudou au sol, le secoue, le lui tend tout en ôtant la poussière sur le pyjama.
Apercevant le petit garçon, en peine, trébucher à nouveau, l’homme le regarde et lui sourit, cherchant à le rassurer.
- Il fait preuve de courage et ne se plaint jamais, c'est surprenant pour son jeune âge. Ajoute-t-il à l’attention de sa mère.
- Pourtant il est épuisé, déclare Hélène
Il n’a que deux ans, mais c’est un petit garçon très courageux.
- Comment s’appelle-t-il ?
- David répond sa mère.
L’homme se tourne vers l’enfant
- Mon grand, si ta mère accepte, aimerais-tu que je te prenne sur mes épaules ?
L’enfant, incertain, tourne son regard vers sa mère avec interrogations. Il lui est interdit de parler à un inconnu.
Hélène demeure prudente.
- Nous avons fait le plus difficile. Répond-elle.
- Cela me ferait plaisir de le porter. Voyez, il est épuisé. Indique-t-il avec conviction.
Comme pour confirmer ses propos l’enfant tombe de nouveau au sol.
La jeune femme réfléchit. Bien qu’il semble bienveillant, les apparences sont parfois trompeuses. Elle a déjà beaucoup souffert. Pourtant son fils est tellement fatigué, elle ne pourra jamais le porter.
Au plus profond d’elle-même son instinct lui murmure :
“Fais lui confiance”
Soulagée, elle se résout.
- Si cela ne vous dérange pas.
- Ne vous inquiétez pas, j’ai aussi un garçon. Il est presque adulte aujourd’hui, cela me rappellera de bons souvenirs. Je me présente je m’appelle Jean
- Hélène
Il se retourne vers le petit garçon,
- Alors, jeune homme, étant donné que ta maman est d'accord, aimerais-tu monter sur mes épaules ?
Le garçon regarde sa mère attendant son approbation. Celle-ci acquiece d’un mouvement de tête. Heureux l’enfant tend les bras, et attend. Ses petites jambes fatiguées ne le soutiennent plus.
Au cours du trajet Hélène et Jean sympathisent et parviennent à plaisanter malgré les circonstances.
Bien qu’inconfortable, le petit garçon semble heureux. Epuisé, et soulagé il s'assoupit sur les épaules solides et rassurantes de l’homme. Hélène peut enfin se détendre, convaincue que tout ira pour le mieux.
L’âme n’a plus le loisir de rester aussi longtemps aux côtés de sa jumelle. Les cavaliers sont à leurs trousses, et l’un d’entre eux a bien failli atteindre David durant cette guerre. Il traverse des moments difficiles. Elle aimerait demeurer un peu plus longtemps, mais si l’un d’eux la rattrape, cela compromettra leur projet. Elle a déjà apporté suffisamment d’aide, elle n’a plus besoin de le protéger pour le moment. Avec un pincement au cœur, elle constate le peu de temps qu’elle a pu passer à ses côtés. Chassant sa mélancolie, elle se doit de rester positive et se faire confiance ; elle trouvera une solution à cette situation.
Leurs destins sont inextricablement lié d’une manière ou d’une autre.
Elle observe discrètement David. Sa mission est accomplie, il est actuellement en sécurité.
Elle peut le laisser pour le moment. Elle reviendra le voir bientôt.
Photo de Pixabay: https://www.pexels.com/fr-fr/photo/feu-fond-d-ecran-207353/
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